Ain't no sunshine (+) Seidel [02/10 ; 15H00]

Un cachot, quand on se pose quelques minutes pour bien réfléchir il est facile de trouver des points communs entre cet endroit vraiment particulier et les prisons dans lesquelles nous avons tous été enfermés. Nous ne sommes peut-être pas aussi mal lotis, heureusement, cette pièce est vraiment petite, pas vraiment propre et peu aménagée. Les Dawkins ont-ils vraiment laissé vivre des personnes là-dedans ? Ce sont-ils vraiment amusés à punir aussi méchamment ? Personne ne mérite de passer ne serait-ce qu’une nuit ici. Oh que non, je ne peux m’empêcher de trouver cela cruel et de m’estimer heureux de ma gentille petite cellule de prison, celle qui, pendant huit ans, fut une protection de taille contre le monde extérieur et les autres détenus. Je n’avais peut-être pas tout le nécessaire pour m’épanouir, mais je disposais au moins du minimum syndical pour survivre. Non, je tourne autour du cachot depuis une bonne dizaine de minutes et il n’y a rien que je trouve pour expliquer un tel traitement. J’imagine que les Dawkins ne se livraient pas quotidiennement à des actes barbares, il y a bien cette histoire de disparition houleuse que nous devons résoudre qui pourrait expliquer l’existence et l’usage d’une telle pièce mais… Mais je me rends compte qu’on n’en sait finalement pas tant que cela sur la famille qui logeait ici avant nous. Un candidat arrive, je ne connais pas son nom, c’est tout juste si je le reconnais. Je dépasse les formules de politesse, inutile de s’introduire puisque mon prénom lui est inconnu. « Tu crois qu’ils s’enfermaient mutuellement ici ? Ce devait être une sacrée famille de dégénérés ! »

Autant se l'avouer, le cachot n'était pas un endroit auquel il repenserait avec beaucoup de nostalgie lorsqu'il quitterait le jeu et retournerait moisir derrière les barreaux de sa cellule. Justement parce que ça lui rappelait beaucoup trop Bollate, l'ambiance du bloc, l'accent incompréhensible des trois quarts des détenus et la peur qui lui avait retourné l'estomac presque à chaque heure, de chaque jour, de chaque année passée là-bas. Et pourtant, c'est bien dans le cachot qu'il avait choisi de passer une partie de son après-midi, peut être parce que cette deuxième semaine touchait bientôt à sa fin, et qu'une partie de lui cherchait inconsciemment à exorciser un certain nombre de choses, dans l'hypothèse où son séjour ici serait plus court qu'il ne le voudrait. Il semblerait en tout cas qu'aujourd'hui encore, il doive profiter des lieux en présence d'un autre candidat, ce qui dans le fond avait peu de chances de le déranger, puisqu'on ne pouvait pas dire qu'il tienne particulièrement à rester seul ici, justement. Son camarade se posait en tout cas des questions existentielles, et qui avaient le mérite de faire quelques peu cogiter l'autrichien. « Je sais pas, mais quand je vois le caractère du Lord, je me dis que c'est pas impossible qu'ils aient élevés leurs enfants à la dure. » Bon, il n'était encore sûr de rien, mais à la façon dont le type s'était fâché l'autre soir, il était effectivement en droit d'imaginer qu'il n'avait pas beaucoup rigolé quand il était gamin, celui-là. Et quelle coïncidence qu'un cachot se trouve justement dans les sous-sols du manoir. « A mon avis, après avoir passé un petit moment là-dedans, t'as tendance à y réfléchir à deux fois avant de faire à nouveau des conneries. Je sais que moi, en tout cas, ça m'aurait calmé. » Même lui qui avait eu pas mal de frasques à son actif étant gosse, il n'avait jamais fait le moindre séjour dans un endroit pareil, et pourtant dieu sait que son père ne s'était jamais fait prier pour se débarrasser de lui à la première occasion. Mais du coup, aujourd'hui, c'est lui qui se retrouvait dans un jeu pareil, tandis qu'un gars comme James Dawkins pouvait décider de le renvoyer à l'ombre en un claquement de doigt. Comme quoi, hein.

Je pourrais concevoir l’usage de ce cachot en prison, il y a tellement d’enfoirés qui ne mériteraient pas de respirer à l’heure où je vous parle et pour qui la prison ne ressemble même pas à une punition. Ceux-là devraient se retrouver ici, sans bouffe, avec le minimum vital d’eau pour tenir plusieurs jours et cogiter un petit peu à ce qu’est la vie. Cet endroit vient me rappeler que nous sommes ici pour percer plusieurs mystères, le principal concernant nos peines de prison. Je n’ai pour le moment pas la moindre piste, les autres candidats sont plutôt discrets, à mon image. Je ne peux pas dire que j’en sache plus sur l’histoire de ce lieu, nous sommes censés mettre le doigt sur les événements qui ont mené à la disparition d’une femme mais les indices sont aussi rares que le pétrole. Dawkins ne nous a pas donné de quoi débuter nos enquêtes sur quelque chose de solide, tout juste connaissons-nous l’identité des précédents occupants de cette baraque. Trop de mystères tuent le mystère. En me retrouvant face à un autre candidat, je décide de poser la question qui me démange terriblement. A quoi servait ce cachot ? « Je sais pas, mais quand je vois le caractère du Lord, je me dis que c'est pas impossible qu'ils aient élevés leurs enfants à la dure. » Je continue de cogiter, de réfléchir à tout cela et je ne peux m’empêcher de remarquer, à haute voix. « Pas surprenant qu’ils aient des fantômes plein leurs placards ! » Je marque une pause et, oh, une idée de merde. « Peut-être bien qu’ils ont liquidé la jeune femme portée disparue et qu’ils l’ont enterrée quelque part dans le coin. Peut-être qu’elle n’a finalement jamais été kidnappée et qu’elle était juste enfermée ici ? » Imaginez, hop hop, et un mystère de résolu, suivant ! « A mon avis, après avoir passé un petit moment là-dedans, t'as tendance à y réfléchir à deux fois avant de faire à nouveau des conneries. Je sais que moi, en tout cas, ça m'aurait calmé. » Je jette un coup d’œil à cet endroit vraiment glauque, forcé d’admettre que… « Oui, moi aussi. Mes parents auraient dû m’enfermer dans un cachot, ça m’aurait évité de faire bien des conneries. »

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