paranoïd - 22/09 - 19h13

müller

Ce tapis à lui seul doit coûter dans le millier de livres. C'est une connerie sans nom tout ça. L'exagération, oui, l'exagération d'à peu près tout ce qu'on peut trouver dans cette baraque. L'excès, par définition. Des vases par-ci, des tableaux par-là. Oh et puis tiens du marbre. Encore du marbre. Il en a déjà marre de tout ce marbre blanc, de toute cette immensité, de toute cette grandeur. A force d'avoir de l'espace il ne sait plus quoi faire, où se rendre, quoi penser, qui chercher. Mais y'a Müller qui débarque "Müller", Lodde a décidé qu'il serait dans son camp. Disons que c'est à peu près le seul gars qui lui ait fait une pas trop mauvaise impression (pour ne pas dire bonne) lors du prime d'ouverture. Alors tant pis pour la distance de rigueur, cette espèce de pseudo stratégie que lui ont dit d'adopter les matons. Reste loin des autres Lodde, c'est comme ça qu'tu vas gagner ta liberté. C'est des taulards, la liberté vient pas en s'faisant des amis détenus. Oui bon. "Alors t'en penses quoi?" il ouvre les bras, montre 'tout ça'. Mine un peu dubitative. Sacré histoire dans laquelle ils se sont embarqués.

lodde
pour être franc, on tourne quand même vite en rond dans cette maison. surtout quand on a été trois ans dans une cellule de la taille des toilettes. je déteste être enfermé maintenant que je suis plus ou moins dehors. je préfère passer mon temps dans le jardin, etc. d'ailleurs, je viens d'avoir l'idée de visiter les écuries même si il est l'heure de manger. c'est ça la prison, ça te rode à bouffer et à te coucher avec les poules, quand le jour se lève et se couche et ainsi de suite. ça rend ta vie tellement monotone que s'en est déprimant quand tu constates les ravages, une fois loin des barreaux. j'attrape une veste dans mon placard et je descends les escaliers quand je tombe sur lodde. je l'ai rencontré lors du prime, il n'a pas l'air méchant et il a l'air d'avoir le même point de vue que moi sur l'esthétique de la baraque. à l'appel de mon nom, je tourne vivement la tête vers lui comme si je sortais de quelques minutes d'absences.
- ça me donne la nausée à vrai dire ...
c'est vrai quoi, c'est trop. c'est limite plus étouffant d'un oreiller avec lequel on essaie de t'étouffer la nuit, dans la maison d'arrêt, avant d'être transféré dans ton nouveau 'chez-toi' de six mètres carrés. je soupire doucement en regardant tout ce qu'il me montre.
- je pense que ça craint tout ça en réalité.

Et il tourne en rond. Dans 4m2 de cellule il trouvait systématiquement de quoi s'occuper. Un bouquin, les haltères, le vieux poste TV qui transmettait toujours les mêmes feuilletons du TG di Rai Uno. A avoir de l'espace on finit par en perdre. Lodde sent son corps se ramollir alors que ça fait que deux jours qu'il ne fait pas de sport. Il aimerait faire un footing dans le jardin mais l'idée même d'enfiler ses basket le fatigue. Un foot oui, ce serait bien un foot. Mais aucun ballon à l'horizon. Des raquettes de tennis, de squash, du matos de cricket, mais pas de ballon de foot. Alors l'extérieur le révulse. Il préfère attendre impatiemment que son ennui s'évade de lui-même.
Ou alors il attend simplement qu'un bon gars vienne croiser ses râleries. C'est Müller qu'il lui faut et c'est Müller qu'il trouve. Doit-il avouer qu'après un an et demi de détention il est fatigué des patronymes? L'ambiance n'est pas aux hostilités mais Rizzo lui a conseillé de rester sur ses gardes. Pourquoi pas, quelques jours de plus c'est sans doute un bon compromis. "Je crois qu'à nous regarder la prod et les téléspectateurs doivent bien s'emmerder", mettre un gars blasé avec un autre gars blasé c'est la recette parfaite d'un flop télé. "Tu crois qu'on doit faire semblant d'être excités?" Rizzo est super excitée, Lodde n'arrive pas trop à la suivre dans ce genre de moments. "T'allais quelque part?" juste histoire de voir si son acolyte a les idées aussi claires que lui.

c'est vrai qu'à ce moment précis, la prod doit se mordre les doigts d'avoir sélectionné des candidats aussi mous et peu enthousiastes d'être avant loin de la prison. mais il faut qu'ils comprennent qu'on a tous besoin d'un plus ou moins long temps d'adaptation. personnellement, après trois longues années en taule, j'ai encore du mal à reprendre un train de vie normale. moi qui croyait que je n'avais pas changé, que la prison ne me changerait pas.
- bonnes question. je pense qu'ils attendent tous le prime pour jubiler devant les futurs nominés et pour savoir lequel va retourner en prison.
l'excitation. comment peut-on être excité d'être ici, au milieu de tout ce faux et ces caméras? je ne veux pas cracher dans la soupe mais parler d'excitation et un peu trop fort pour moi. déjà que je ne suis pas naturellement excité et heureux, là, je touche presque le fond.
- je pense qu'on doit faire semblant oui mais le public doit aimée les pleurs, les cris, etc. si tout le monde est tout le temps contente et excité, à quoi les regarder? pour ma part, je ne peux pas faire semblant. c'est trop difficile de faire semblant d'être quelqu'un.
c'est vrai. je suis quelqu'un d'honnête dans le fond et pas très expressif, très réservé alors m'inventer un personnage? nein.
- je ne sais pas, je voulais terminer mon chemin dehors mais je crois que j'en ai même pas envie. je n'arrive pas à trouver chaussure à mon pied. je tourne vite en rond alors que un millions de fois plus d'espèce que... avant. je sais pas si ça te fait le même effet?