Haunted ◇ Debussy (24/09 ; 20H17)

PUTAIN DE BORDEL DE SHIT ! Quelqu’un aurait pu me prévenir que l’eau était aussi froide, ne pourraient-ils pas investir dans un chauffage, ça doit bien exister un machin comme ça non ? Je me demande si les premières machines dans le genre n’étaient déjà pas utilisées dans les piscines municipales il y a huit ans. C’est dingue tout ce que l’on peut louper en un si large laps de temps. A peine si je reconnais la société dans laquelle je me retrouve à nouveau balancé aujourd’hui. Vous n’avez pas vu tous les gadgets étranges que l’on trouve dans la cuisine ? De nombreux instruments se sont ajoutés pour venir nous simplifier la tâche, faut-il encore avoir un minimum de patience pour potasser le manuel qui accompagne chacun des outils essentiels à tout bon cuisinier en deux mille quinze. Dommage, je n’ai jamais été très branché lecture technique ! La vie continue, avec ou sans toi, nous sommes exclus, laissés en marge pendant que tout le monde poursuit désespérément sa quête d’une vie meilleure. Qu’ils s’estiment heureux, ils peuvent au moins vivre eux. PUTAIN DE BORDEL DE SHIT ! Se baigner fait tellement de bien ! J’ai oublié à quel point on peut se détendre en plongeant simplement dans l’eau. Je suis trempé et intimidé par un endroit que je n’ai plus côtoyé depuis une éternité. Toutes les prisons devraient investir pour construire des piscines, nous aurions au moins quelque chose à faire de notre temps libre ! Je remonte mon short qui a tenté de se faire la malle quand j’ai sauté et m’élance à l’autre bout de la piscine en nageant, je crois que j’ai perdu dix ans tout d’un coup.

la salle de bain. un endroit béni des dieux, en cet instant précis. pas que debussy ne s'y soit plus rendue depuis des années mais les douches n'offrent pas le même confort. surtout lorsque l'on est pressé pour ne pas se faire passer à tabac ou pour ne pas se faire coincer entre deux renfoncements afin d'être tout bonnement abusée par d'autres femmes en manque de plaisirs charnels divers.
enfin, ça, c'est ce à quoi pensait la rousse avant de se rendre compte qu'elle s'était trompée de pièces et était tombée nez-à-nez avec la piscine... heureusement, elle ne se rend jamais à la salle de bain sans maillot de bain, de peur que quelqu'un veuille du mal à sa chasteté forcée depuis deux ans. la blague.
elle remarque bien vite un jeune homme, non loin. taquine, joueuse, la gamine plonge dans l'eau et se rue, en apnée et totalement invisible, dans sa direction. d'accord, s'il a été en prison, c'est qu'il est potentiellement dangereux mais... debussy ne veut pas penser au passé. elle-même ne se résume pas juste à ses actes déplorables.
elle apparaît juste devant le garçon et l'éclabousse en riant.
- on t'a jamais dit de surveiller tes arrières ?
argue-t-elle avec un regard appuyé, plus ravie qu'un poisson dans l'eau de pouvoir goûter à une telle liberté à nouveau. elle disparaît à nouveau dans les profondeurs océanes, espérant réellement qu'il se défendra et qu'elle pourra s'amuser.

Depuis mon entrée dans ce jeu au concept assez alambiqué je me suis rendu compte de beaucoup de choses. A vrai dire, il y a un détail vraiment très important qui m’a frappé. J’ai l’impression de ne pas avoir réellement vécu ces huit dernières années, j’ai survécu tout au plus. Pour réellement saisir la nuance il faut prendre en compte la liberté qui nous est accordée en prison et autant vous dire qu’elle est proche de zéro. Logique, nous ne sommes pas au club med, si nous sommes emprisonnés ce n’est pas par hasard. Nos peines illustrent la gravité de nos bêtises, huit ans, il me reste encore une bonne somme d’années à écouler avant de retrouver ma liberté. Enfin, tout dépend de mes capacités à remporter cette première édition, décrocher le ticket qui me permettra de rejoindre mes proches en Angleterre, de reprendre ma vie là où je l’ai laissée le jour où tout a dérapé… Il y a tellement de choses que je compte fait différemment, de personnes que je compte éviter pour ne plus être tenté de franchir des frontières infranchissables. Retrouver une certaine liberté me fait prendre conscience de ce besoin fondamental que j’ai de faire bien plus que de survivre, j’ai gâché suffisamment d’années, je veux m’en sortir à présent. « on t'a jamais dit de surveiller tes arrières ? » Une jeune fille me surprend, m’arrache à mes pensées sécurisantes et me gicle avec de l’eau. Mon premier réflexe est de fermer les yeux pour éviter d’être agressé par l’eau chlorée. « On ne t’a jamais dit de te méfier du grand méchant loup solitaire ? » La petite rousse plonge et je m’élance à sa poursuite. Je reste néanmoins discret, jusqu’à ce qu’elle remonte à la surface où je l’attrape. « Tu as deux options, boire la tasse ou… Boire la tasse ! » Et sans perdre davantage de temps je la plonge sous l’eau.

» debussy ~ répertoire