all the single ladies // sam. 26 sept. 08h03

& fuertes

Elle était réveillée depuis de longues minutes mais s'était imposée de rester au lit plus longtemps que d'habitude, les yeux clos, faisant abstraction du mieux qu'elle pouvait des quelques petits bruits environnant, pas qu'ils la dérangeait et qu'elle s'en serait plainte si elle ne faisait pas semblant d'être encore assoupie, mais parce qu'ils attisaient sa curiosité et lui donnaient envie de regarder ce qu'il se passait autour d'elle. Elle était toujours la première à se mêler, ni de trop loin ni de trop prêt, de ce qui ne la regardait pas. C'était peut-être un peu malsain quelque part, mais elle s'en fichait généralement. Ce matin, elle avait donc fini par jeter un coup d'oeil, un tout petit, à la chambre, déjà pour s'assurer qu'elle s'y trouvait toujours et qu'on ne l'avait pas ramenée dans sa cellule pendant la nuit, même si les odeurs et les sons de la pièce l'avaient un peu rassurée elle avait besoin d'une confirmation visuelle, et puis pour observer ce que l'on faisait, si quelqu'un s'agitait, et si c'était le cas, de qui il s'agissait. Elle avait choisi de s'installer dans le lit tout au fond de la chambre pour avoir une vue d'ensemble sur les autres. En tournant la tête, elle avait d'abord rencontré le mur, puis de l'autre côté, le visage d'une candidate un peu plus loin. Elle avait étiré un sourire de chat et s'était redressée, s'asseyant en tailleur. « Qu'il est agréable de se réveiller quand ton visage est le premier que l'on voit de la journée. » Avait-elle articulé avant de bailler, une main devant la bouche, et de s'étirer de tout son long.

Tu sens peu à peu la lumière du jour venir te caresser le visage. Tu remues le bout du nez comme si cela te chatouillait. Les yeux toujours clos, tu profites de la sensation de cette couette moelleuse sur ton corps frêle. Certains boudaient de n'avoir pas droit au lit à deux place mais la qualité de la literie était un tel bonheur à ton gout, que tu n'en avais strictement rien à faire de passer tes nuits dans un monoplace. Chaque matin, c'était un peu comme un rêve. Il y avait toujours ce moment de latence où tu angoissais soudainement de n'avoir que rêver tout ça mais cela était automatiquement suivis par le doux réconfort de la réalité. Alors tu souriais. Avant même d'ouvrir les yeux, tous les matins, tu avais le sourire aux lèvres.

Tu finis par réellement t'extirper des bras de Morphée, glissant sur ton côté droit et gardant la tête bien installée sur ton oreiller. Ton regard croise alors celui de Contini, assise en tailleurs sur sa couche à quelques mètres de toi. « Qu'il est agréable de se réveiller quand ton visage est le premier que l'on voit de la journée. » Ton sourire s'élargit. " Waw. Je me demande bien s'il m'est déjà arrivé d'être bercée par un si joli compliment si tôt dans la journée. En tout cas ça fait plaisir. Je pourrais m'y habituer" ponctues-tu finalement avant de lâcher un petit clin d'oeil complice à la brunette.

Un instant, elle avait eu peur que Fuertes, si elle ne se méprenait pas, interprète mal ses propos, comme ses co-détenues en France avaient déjà pu le faire. C'est que comme elle s'exprimait souvent de façon un peu poétique ou soutenue, tout dépend du point de vue, on pensait qu'elle se foutait de la gueule des gens en se permettant des sous-entendus, que personne n'entendait à par elle généralement. Et on avait pas tort, parce qu'elle le faisait quelques fois, mais c'était tellement bien tourné qu'on ne s'embêtait pas à comprendre le sens de ce qu'elle racontait et qu'on lui faisait des misères dès qu'on s'entait qu'elle avait terminé, et parfois même avant, (c'était d'un manque de savoir-vivre !). Elle avait donc peut-être été aussi surprise que la candidate de se rendre compte que celle-ci, au lieu de la tourner en ridicule, semblait apprécier un tel réveil. Un sourire de gratitude profonde s'était dessiné sur les lèvres de la jeune femme. « Dire de belles et gentilles choses de bon matin mettent la personne qui les dit et celle qui les entend de bonne humeur pour la journée. » Ou du moins en était-elle persuadée, mais les aléas de la vie avaient tendance à fiche sa théorie en l'air. « Cela dit ce n'est pas un fait avéré, mais je viens de décider de commencer une étude sur le sujet, ici et maintenant. » Le pire, c'est qu'elle était sérieuse, même si elle savait déjà qu'elle aurait du mal à s'y tenir à la longue.